La Commission d'enquête du Sénat sur la crise du Covid-19 impute "directement", dans un rapport rendu public jeudi, la pénurie de masques de la France au printemps dernier à une décision prise par Jérôme Salomon en 2018, celle de "ne pas renouveler le stock de masques chirurgicaux". La responsabilité du numéro deux du ministère de la Santé pointée du doigt par un rapport sénatorial. La Commission d'enquête sur la crise du Covid-19 a rendu public son travail, jeudi 10 décembre, dans lequel elle impute "directement" la pénurie de masques à une décision de Jérôme Salomon. "Cette pénurie est la conséquence directe de la décision, prise en 2018 par le directeur général de la santé (Jérôme Salomon, NDLR), de ne pas renouveler le stock de masques chirurgicaux", relève le rapport, "décision entourée de soupçons de pressions exercées pour modifier les conclusions d’un rapport d’expert conseillant de décider l’inverse." "On a affaibli l'état de préparation du pays sans en référer à quiconque", a déploré la corapporteure Catherine Deroche (LR) au cours d'une conférence de presse en ligne, estimant que "des impératifs budgétaires ou la peur d'en faire trop" ont prévalu dans les décisions. "Alors qu'il s'établissait à 754 millions d'unités fin 2017, le stock stratégique de masques chirurgicaux n'en contenait plus que 100 millions fin 2019", écrivent les sénateurs, qui ont mené de nombreuses auditions ces derniers mois. Achat de "seulement 50 millions de masques" Le tournant se situe, selon les sénateurs, en octobre 2018. François Bourdillon, alors patron de l'agence Santé publique France, informe le Pr Salomon que "613 millions de masques chirurgicaux sans date de péremption acquis au mitan des années 2000 sont non conformes et ne peuvent en conséquence être utilisés". "Il lui est indiqué que le stock se compose désormais de 99 millions de masques chirurgicaux, dont 63 millions périment fin 2019", poursuit le rapport. "Informé de la situation des stocks en 2018, le DGS a pourtant choisi de ne pas les reconstituer, sans en informer la ministre (Agnès Buzyn, ensuite remplacée par Olivier Véran, NDLR)", pointe-t-il. Selon la commission, le Pr Salomon a "ordonné l'achat de seulement 50 millions de masques (50 millions supplémentaires si le budget le permettait), soit moins que la quantité nécessaire ne serait-ce que pour renouveler ceux arrivant à péremption fin 2019". "Pression" pour un rapport et disparition du stock de masques FFP2 Les sénateurs l'accusent même d'avoir fait "modifier a posteriori les conclusions d'un rapport d'experts" qui préconisait la constitution d'un "stock élevé, probablement d'environ un milliard de masques chirurgicaux". "L'analyse de courriels échangés entre la direction générale de la santé et Santé publique France atteste d'une pression directe de Jérôme Salomon sur l'agence afin qu'elle modifie la formulation des recommandations de ce rapport", pour "faire disparaître la référence à la taille du stock", assure la commission. Cette intervention constitue "un dysfonctionnement grave des pouvoirs publics de notre pays", a commenté l'un des trois rapporteurs, Bernard Jomier (PS). Interrogé jeudi soir, Olivier Véran a déclaré s'être "entretenu" avec Jérôme Salomon "en début d'après-midi". "Il m'a indiqué que les échanges d'e-mails, auxquels il est fait allusion dans le rapport (...), il les a lui-même transmis à la commission d'enquête parlementaire". Dans un communiqué publié dans la soirée, la DGS assure de son côté qu'"aucune pression n'a été exercée sur le groupe d'experts". Les recommandations faites à l'époque par Jérôme Salomon sur les masques auprès de Santé publique France "s'inscrivent dans le cadre d'une relation entre un établissement public sous tutelle et son autorité publique dans le cadre de ses missions", poursuit le texte. "A la suite de ces échanges, le directeur général de Santé publique France a apporté des modifications (...) qui ont été acceptées par l'ensemble des contributeurs du rapport".